À la découverte d’une appellation récente : l’AOC « vins de Corrèze »

Dans son programme de dégustation, l’équipe de Vin sur Vin ne se contente pas de présenter les AOC renommées mais aussi de faire connaître les appellations moins connues ou de création récente. C’était bien le cas de l’appellation« vins de Corrèze » que Sylvie et Christiane sont allées découvrir sur place, dans ces paysages et ce patrimoine magnifiques de la Corrèze.

La Corrèze, une ancienne région viticole qui s’est réveillée dans les années 80

On ne le croirait pas, mais la Corrèze est une ancienne terre de vignobles. Dès le IVème siècle, Saint-Yriex mentionne les vignes du bassin de Brives. Les crus d’Allassac et de Voutezac sont par ailleurs bien connus.

Comme partout en France, le vignoble va se développer sous l’impulsion des communautés religieuses.

Le vignoble atteint son âge d’or au XIXème siècle avec plus de 16 000 ha en 1840 soit la surface du vignoble de l’Alsace. La vigne est alors le principal revenu des fermiers de Corrèze.

Mais arrive la crise du phylloxéra en 1876 qui ravage le vignoble. Les vignes sont remplacées par des cultures moins fragiles, pommiers, noyers, chêne truffiers et par l’élevage, le tout boosté par la création de la ligne ferroviaire Brive – Paris.

L’appellation « vins de Corrèze » sur le plan géographique

l’AOC se situe dans le sud-ouest du département de la Corrèze et comprend 24 communes favorisées par un climat tempéré. Cette région est d’ailleurs surnommée la Riviera limousine.

Le vignoble se répartit entre deux îlots viticoles, comme le dit l’INAO.

  • Le premier îlot de vignobles comporte des sols bruns sur calcaires marneux ou sur grès blanc et bariolés recouverts par endroits de limon et d’argile sableuse à galets.
    • Entre Turennes à l’ouest et Beaulieu sur Dordogne à l’est, dans le secteur de Queyssac-les-Vignes pour le vin de paille : 17 agriculteurs exploitent, vinifient et commercialisent leurs vins sans passer par une cave coopérative, mais en ayant créé un syndicat.
    • Du côté de Branceilles et de La Chapelle-aux-Saints pour les vins des Milles et Une Pierres : des vignerons courageux ont replanté dans les années 86, sur 30 ha, la vigne en cépage cabernet, gamay et merlot autour de la cave coopérative des Milles et Une Pierres.
  • Le second îlot est un terroir de schistes ardoisiers, le long de la Vézère, sur les communes de Donzenac, Allassac et Voutezac. C’est un petit groupe de passionnés qui a relancé en 2002 la culture de la vigne 100 % bio avec la création d’une cave coopérative, la cave des coteaux de la Vézère.

En 2016, pour l’INAO, le vignoble corrézien présente une superficie de 75 ha répartis entre 45 exploitations, une production d’environ 2500 hl, dont la moitié en vin rouge. Les producteurs sont regroupés au sein de deux structures collectives qui représentent 70 % des surfaces et 80 % des volumes. 17 % des surfaces sont conduites en agriculture biologique.

L’appellation« vins de Corrèze » sur le plan des cépages

Selon l’INAO :

  • l’AOC Corrèze est réservée aux vins tranquilles rouges et blancs (cabernet franc parfois associé avec du cabernet sauvignon et du merlot).
  • la mention complémentaire « vin de paille » est réservée aux vins de raisin passerillés hors souche (cabernet franc, cabernet sauvignon, chardonnay, merlot, sauvignon)
  • la dénomination géographique complémentaire « coteaux de la Vézère » est réservée aux vins tranquilles et blancs (cabernet franc pour les rouges et chenin pour les vins blancs secs).

L’histoire d’une création paradoxale: l’AOC vins de Corrèze, c’est la faute c’est la faute des vignerons du Jura !

Partout où Sylvie et Christiane sont allées, on leur a dit que l’appellation n’avait pas été véritablement recherchée par les vignerons corréziens qui se seraient bien contentés de l’Indication Géographique Protégée dont ils bénéficiaient déjà.

L’AOC vins de Corrèze a été reconnue par le comité national des appellations d’origine de l’INAO le 3 mai 2017. Une partie du vignoble corrézien était déjà reconnue en indication géographique protégée dès 1979.

  • Dès 2003, des vignerons du sud du département de la Corrèze produisent et commercialisent un « vin paillé », vin liquoreux blanc issu d’une tradition locale qui était déjà décrite dès 1821 : après récolte, les grappes de raisins sont mises à sécher sur des clayettes ou sur de la paille pendant plusieurs semaines. En décembre, les raisins sont pressés et la fermentation se poursuit.
  • Les viticulteurs du Jura tentent de dissuader les vignerons corréziens d’utiliser la mention « vin paillé » qui risque de nuire à leur vin de paille.
  • En 2011, le ministère de l’Agriculture reconnaît la mention « vin paillé » pour l’IGP vin de Corrèze.
  • En 2012, les vignerons du Jura demandent l’abrogation de la mention auprès du ministère puis auprès du Conseil d’État : en février 2014, le Conseil d’État donne raison aux viticulteurs du Jura, obligeant ainsi les vignerons corréziens à ne plus apposer les mots « vin paillé » sur leurs bouteilles.
  • C’est l’INAO qui va leur conseiller de déposer une demande d’AOC : en 2017 l’AOC vins de Corrèze est reconnue et donne le droit aux vignerons corréziens de produire un « vin de paille ».
  • Les vignerons du Jura saisissent une nouvelle fois le Conseil d’État pour demander l’annulation de l’appellation, mais leur demande est rejetée le 16 novembre 2019.

Il n’est pas sûr que cette petite guerre soit terminée…

Présentation et dégustation des vins

C’est Sylvie qui commence la présentation des vins blancs sur un délicieux pâté de canard au foie gras ramené de Corrèze.

  • Sauvignon blanc 2019 du domaine de Jean Moulène au lieu dit La Gardelle à Saint Julien sur Momons, mis gentiment en bouteille pour le club : vin vif et agréable au nez caractéristique du sauvignon.

Jean Moulène a fait visiter les 2 ha de vignes de son domaine cultivés en bio dynamie avec l’aide de ses deux fidèles chevaux (Merlin et Pompon). Cinq générations se sont succédées sur ces terres et lui-même a replanté la vigne en 1984-87 .

Un de ses ancêtres qui savait lire, ce qui était très rare, a même sauvé la vie à un de ses voisins. Il voit en effet passer devant chez lui un de ses voisins et l’invite à prendre un verre. Ce dernier lui explique que le châtelain du village lui a demandé de porter un message au seigneur d’un château voisin et de le lui remettre en mains propres. L’aïeul de Jean Moulène lui propose de lire le message puisque son voisin ne sait pas lire. Il lui apprend alors que le message demandait au seigneur d’enfermer dans ses geôles celui qui l’avait apporté, parce qu’il avait braconné sur ses terres… Et ainsi il sauve la vie de son voisin…

Christiane poursuit la présentation des vins blancs par 2 blancs secs de la mention complémentaire « côteaux de la Vézère » : 10 vignerons sur 22 ha de vignes conduites en bio et situées sur une zone de talus constitué par un filon de schistes. Leurs récoltes est vinifiée à la cave coopérative des coteaux de la Vézère : c’est la gamme «les Perrières» qui relève l’AOC Corrèze, coteaux de la Vézère.

Il s’agit de monocépages issus des parcelles les plus qualitatives.

  • « Les Perrières » 2016 chenin sec.Vin très agréable au nez de « pierre à fusil » élevé en cuve inox, 13° (11 €).
  • « Les Perrières-les Terrasses » chenin. Ce vin élevé en foudre pendant 16 mois est plus rond, plus complexe que le premier (13 €).

A suivi la présentation des vins rouges par Sylvie sur un plat réalisé par Marie-Thérèse, digne d’un chef : un paleron mijoté 24 heures au four dans une cocotte lutée et accompagné de carottes taillées, très tendres.

  • « Les Braziers»2018 du domaine de Jean Moulène. 100 % gamay à partir de raisins égrappés, 14,5°, frais, rond, puissant en fin de bouche. (9,50 euros).
  • « les Copains » 2018 du domaine de Jean Moulène. Assemblage de 70 % de cabernet franc, cabernet sauvignon et merlot, à partir de raisins très mûrs. 14°. Très bon vin de garde. (9 euros).
  • Pratiquement le même assemblage que « les Copains » pour «Champ de Clos » 2015 de la cave des Milles et Unes Pierres à Branseilles : 90 % cabernet et 10 % merlot , élevé en cuve inox. 14°. (12 €).
  • « Les Perrières» 2016 de la cave des « coteaux de la Vézère » cabernet franc 100 %, vin rond, agréable et très peu astringent.

La présentation des vins de paille a été faite par Christiane, sur des gâteaux aux noix ramenés de Corrèze.

La légende dit que c’est Saint-Éloi qui a offert en l’an 622 au roi Dagobert du vin de paille appelé alors « miel des muses », d’où les désordres vestimentaires du bon roi.

Selon les dispositions du cahier des charges de l’AOC : les raisins destinés à l’élaboration des vins de paille sont mis à sécher sur des claies ou sur un lit de paille pendant au moins six semaines. Au moment du pressurage, les raisins présentent une richesse en sucre minimal de 320 g par litre. Les vins sont élevés au moins jusqu’au 15 novembre de la troisième année qui suit la récolte, dont au minimum 18 mois en barrique.

  • Vin de paille sur raisins blancs passerillés, du domaine de Jean Moulène : 50 % chardonnay et 50 % sauvignon blanc. Très agréable, très fruité.
  • Vin de paille sur raisins rouges passerillés, du domaine de Jean Moulène : cabernet franc 70 % et merlot. C’est un vin qui perle un peu, aux arômes de fruits rouges, pruneaux et noix.

Au final, une très belle découverte des vins de qualité de cette jeune appellation.